2° JUGEMENTS ET ARRÊTS – Motifs insuffisants – Blessures involontaires.
3° CASSATION – Ouvertures à cassation – Motifs insuffisants – Blessures involontaires.
1° Doivent être écartés des débats le mémoire en défense déposé hors délai et celui présenté par un avocat non agrée près la Cour suprême.
2° et 3° Tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs de fait et de droit sur lesquels il est fondé.
Manque de base légale, et doit être cassé, le jugement qui ne contient aucune précision sur la Matérialité. les circonstances et les conséquences d’un accident et qui, par suite, ne permet pas à la Cour suprême d’exercer son contrôle sur ‘existence des éléments constitutifs du délit de
Blessures involontaires et notamment sur le lien de causalité entre l’inobservation des règlements retenue à la charge du prévenu et les blessures.
Cassation sur le pourvoi formé par Hadj Ahmed Boudra contre un jugement rendu le 23 juin 1960 par le tribunal de première instance de Casablanca qui l’a condamné, pour blessures involontaires et dépôt d’objet sur la voie publique, à deux amendes et à verser une indemnité provisionnelle à la partie civile.
Dossier n° 6104
1 re décembre 1960
La Cour,
Vu le mémoire produit au nom du demandeur, et écartant des débats le mémoire présenté pour le défendeur par Me Elie Cohen, avocat non agréé près la Cour suprême, et celui déposé par
Me Couderc-Zurfluh après l’expiration du délai prévu par ‘article 592, alinéa 3, du Code de procédure pénale SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de ‘article 347, 7° du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;
Attend qu’aux termes dudit article 347 « tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs de fait et de droit sur lesquels il est fondé ›)
Attendu que le demander était prévenu d’avoir à Settat le 26 novembre 1957, depuis un temps non prescrit : « 1° déposé sur la voie publique ou ses dépendances, sans autorisation, un concasseur:
2° par maladresse, imprudence, négligence, inattention ou observation des règlements, involontairement été la cause de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail de
plus de six jours à Mohamed Talami »;
Attendu que pour confirmer la décision de première instance qui avait condamné le prévenu pour les deux infractions. le jugement attaqué énonce : « Attendu que Hadj Mohamed Boudrâa a reconnu lors de l’enquête qu’il avait laissé un concasseur lui appartenant dans « le coin d’une rue » et que les enfants avaient l’habitude de jouer avec cet engin, qu’il a même précisé que ce concasseur pouvait être mis en mouvement par une simple poussée; Attendu qu’il est constant que l’engin était déposé sur une dépendance non clôturée de la voie publique : que le fait est affirmé par le commissaire de police entendu à l’audience du 4 janvier 1960 et corroboré par les photographies non contestées déposées au dossier ; Attendu qu ‘il n’est pas nécessaire que le prévenu at lui-même matériellement fait des blessures, qu’il suffit aux termes de l’article 319 du Code pénal qu’il en ait été involontairement la cause »
Attendu que le jugement de première instance, aux motifs non contraires duquel la décision attaquée a pu implicitement se référer, se borne à énoncer : « Attendu qu’il résulte de ‘audition du témoin Mohamed Houcha que le lieu où Hadj Mohamed Boudrâa avait déposé un concasseur lui appartenant est bien une dépendance de la voie publique; que dans ces conditions le prévenu a bien contrevenu à l’article 2, paragraphe 2, alinéa 5° du dahir du 19 janvier 1953; que le texte interdit en effet de faire sur les dépendances de la voie publique des dépôts d’objets ; Attendu qu’il ne fait aucun doute que le jeune Mohamed Talami a bien été blessé par ledit concasseur; qu’il échet en conséquence de déclarer le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés » ; Attendu que le demandeur relève à bon droit l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne le délit de blessures involontaires ; qu’en effet, ‘absence de précisions sur la matérialité, les circonstances et les conséquences de l’accident ne permet pas la Cour suprême d’exercer son droit de contrôle sur l’existence des éléments constitutifs du délit et notamment sur le lien de causalité entre l’inobservation des règlements retenue et les blessures; qu’ainsi la décision attaquée manque de base légale;
PAR CES MOTIFS
et sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen, Casse et annule entre les parties au présent arrêt le jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 23 juin 1960, mais uniquement en ses dispositions statuant sur le délit de blessures involontaires et la demande de la partie civile; et pour être à nouveau statué conformément à la loi dans la limite de la cassation partielle intervenue, renvoie la cause et les parties devant le tribunal de première instance de Casablanca autrement composé.
Président : M Deltel. – Rapporteur : M. Zehler. Avocat général:
M Ruolt Avocats : M° EI khatib
Observations
- Sur le premier point. – V. la note, premier point, sous l’arrêt n° 725 du 27 oct. 1960 , lI. Sur les deuxième et troisième points. – Sur le manque de base légale, v. la note, troisième point, sous l’arrêt n° 732 du 3 nov. 1960.
- En ce qui concerne l’insuffisance de motifs en matière de blessures involontaires, V. la note, deuxième point, sous l’arrêt n° 745 du 17 nov. 1960